L’histoire des arts martiaux japonais
Restitution de prise de notes de la Conférence sur les arts martiaux japonais réalisée par Malcolm Tiki Shewan lors du stage SHIZENGEIKO 2023.
Kobujutsu 古武術, les premières traces d’arts martiaux
On sait que l’étude des arts martiaux au Japon existe depuis au moins l’époque Heian, mais les textes les plus anciens remontent à 1400 : ce sont les premiers appuis documentaires que nous possédons. Ces premières formes sont appelées Kobu Jutsu.
古 – Ko : ancien
武 – Bu : Guerre
術 – Jutsu : Art
« Art de faire la guerre »
Bien que les premiers écrits de Kobujutsu 古武術 remontent à 1400, ces formes continuent de vivre de nos jours à travers des experts qui les ont préservées en l’état.
Par exemple : Iizasa Ienao 飯篠家直, le fondateur du courant Katori Shintō Ryū en 1447, est encore enseigné de nos jours à travers certains maîtres comme Ōtake Risuke 大竹利典.
Les Kobu-jutsu 古武術 étaient un ensemble de pratiques militaires nécessaires pour la protection de l’empereur, d’un domaine, d’un clan ou d’une place forte. Ils se caractérisent par leur efficacité sur le champ de bataille, ce qui est très différent d’un combat. Ils intègrent également une notion de moralité et en dernier lieu la spiritualité de l’individu, mais la prouesse martiale est de loin l’élément qui est le plus mis en avant.
« Il faut avoir une armée efficace pour faire la guerre. »
Le champ de bataille est différent d’un combat (entendu comme un duel en 1 contre 1) dans le sens où :
- Sur un champ de bataille, on est systématiquement armé. Rien ne se passe à mains nues.
- On possède plusieurs armes et on se bat contre plusieurs types d’armes différentes (arc, lance, arc contre lance, etc …)
- Le sabre est finalement une arme personnelle qui n’est pas tellement utilisée sur un champ de bataille du fait de sa faible allonge et de son coût important.
Il faut aussi prendre en compte qu’il existe des arts martiaux non combatifs comme par exemple :
- La construction de château fort ou de places fortes
- Le commandement d’un champ de bataille (stratégie militaire)
- Monter à cheval
- Nager en armure
Les Kobu-jutsu 古武術 s’apparentent finalement plus à des écoles d’officiers qu’à des camps d’entraînement de soldats. Il faut noter également qu’à la fin de l’ère Heian la classe guerrière prend le contrôle de la société et met de côté la noblesse, les retranchant à Tokyo dans le palais impérial.
Ère Edo de paix (1600)
Après la bataille de Sekigahara 関ヶ原 の 戦い, Tokugawa Ieyasu 徳川 家康 prend le contrôle du gouvernement en devenant Shogun et met en place des interdits à la guerre et aux combats. La classe guerrière doit alors se convertir afin de maîtriser l’art de la guerre aussi bien que la culture, voire même exercer un travail de fonctionnaire. Par exemple Miyamoto Musashi, alors « invité » dans les maisons Honda puis Ogasawara, fut responsable de la conception des plans de la ville aux alentours du château d’Akashi. Il commença alors à cette époque à étudier le zen, la peinture, la sculpture, et même l’aménagement paysager1.
Bon Bu Ichi – « La plume et l’épée ne forment qu’un »
C’est l’apparition des KoBudō 古武道. L’ordre des choses est alors inversé : l’accent des arts martiaux est d’avantage axé sur la spiritualité et la moralité (faire du pratiquant un citoyen utile à la société) et ensuite seulement la prouesse martiale. C’est le début des arts qui ouvrent la voie (Dō 道).
On retrouve toujours des arts martiaux avec des armes (sabre, lance, l’arc, …), mais comme les gens ont émigré dans les villes avec une configuration différente du champ de bataille (des ruelles plus étroites, des bâtiments de plusieurs pièces avec des plafonds bas, …), cela demande aux arts martiaux de s’adapter à ces nouveaux environnements et donc d’utiliser d’autres types d’armes (mains nues, éventail, jitte, …)
Cela a créé une situation où toutes les armes ont été modifiées. Par exemple les Naginata n’étaient plus d’aucune utilité en ville et étaient alors stockées et exposées à la maison (d’où le fait qu’actuellement, la pratique soit principalement faite par les femmes car à cette époque elles « devaient » rester à la maison et avaient du temps pour étudier avec ce qu’elles avaient sous la main, la plupart du temps avec des reliques familiales).
Ère Meiji (1850)
L’arrivée de la marine Américaine pour forcer l’ouverture du Japon sur le reste du monde a généré une forte restructuration du pays. On entre alors dans une période de rébellion et de guerre civile (période retracée dans le film « Le Dernier Samouraï » de Edward Zwick avec Tom Cruise et Ken Watanabe).
C’est à cette période que se déroule la bataille de Shiroyama 城山の戦い qui est LA dernière bataille sur la terre du Japon. Cette bataille a opposé l’armée régulière (moderne, peu entraînée) face à des guerriers traditionalistes qui ont consacré leur existence à l’art de la guerre. Il est intéressant de constater qu’il y eu un nombre égal de morts et de blessés de chaque côté, montrant l’efficacité de la technologie entre des mains non aguerries.
À partir de cette période, le Japon se modernise pour combler son retard technologique et économique sur le reste du monde.
Cependant il faut se préparer aux nouvelles menaces que représente le monde. Les techniques de combat doivent être à nouveau efficaces face aux grandes puissances et l’accent est moins porté sur le spirituel : c’est le développement des Shin jutsu 神術.
Shin Budō 神武道 (1900)
Dans cette période de guerre civile, le Kobu-jutsu 古武術 et le KoBudō 古武道 continuent d’exister, bien que le Japon se soit modernisé en pas moins de 50 ans pour combler ses 300 ans de retard.
C’est dans ce contexte de modernisation que des personnes comme Jigorō Kanō ont cherché à préserver les anciennes pratiques qui faisaient l’identité de leurs pays, mais en les adaptant au monde moderne dans lequel ils vivaient.
Jigorō Kanō a été un des acteurs majeurs pour la restauration des Jeux Olympiques (donc pas uniquement défenseur des disciplines Japonaises) et a souhaité faire perdurer son art martial à travers le sport.
Dans la même lignée, Funakoshi Gichin qui était enseignant a choisi comme outil l’éducation nationale en ayant milité pour inscrire sa discipline dans les universités.
« Toutes ces modifications ont pour but d’améliorer les conditions sociales des individus »
Notes et références
- Le traité des cinq roues (page 56) d’Alexander BENNET et d’Uozumi TAKASHII aux éditions Synchronique ↩︎